« 900 élèves sans affections au lycée en Essonne après la rentrée ». C’est ce qu’on pouvait lire dans Le Parisien notamment, au mois de septembre. La situation n’alarmait pas plus que ça, elle semblait exceptionnelle, pourtant selon nos informations, la situation n’est pas limitée à un département d’île de France : 300 en Haute-Garonne, une centaine en Seine-Maritime, etc.
Les syndicats de parents d’élèves estiment qu’il s’agit de plusieurs milliers d’élèves par an et que ce chiffre a subi une augmentation très importante cette année. De leur côté, les rectorats ne communiquent pas de chiffres.
Un choix cornélien
Seulement, l’école étant obligatoire, le rectorat doit fournir une place à un lycéen ou une lycéenne. Mais il n’est pas obligatoire que celle-ci soit dans la formation ou dans la section de son choix.
En dernier recours l’élève est affecté arbitrairement par le rectorat, très arbitrairement selon les fédérations de parents d’élèves qui dénoncent des situations où les élèves sont sommés de faire plus de deux heures de route pour aller en cours. Concrètement, on demande à des milliers d’élèves de faire un choix : soit une orientation choisie, mais très lointaine, soit une orientation subie, mais à une distance raisonnable.
La voie professionnelle en première ligne
Parmi ces lycéens auxquels le rectorat n’a pas trouvé de place en établissement : la majorité avait demandé une affectation en lycée professionnel.
CAP ou bac pro, la voie professionnelle attire, une victoire selon le gouvernement. Pourtant celui-ci ne met pas les moyens pour y répondre, les places sont limitées et la sélection se fait donc de plus en plus dure.
Les syndicats enseignants évoquent un manque de professeurs encore plus criant en section professionnelle qu’en section générale, un quart de postes vacants selon la FSU. Une situation que les responsables syndicaux estiment aussi parfois localisée et structurelle : on ne crée pas de places dans des endroits qui en auraient besoin, un syndicaliste au SNUEP cite par exemple la métropole de Rouen.
Une situation de souffrance
Pour beaucoup de jeunes, cela signifie une orientation en voie générale malgré la volonté des élèves et de leurs familles de suivre une voie professionnelle.
S’ils et elles choisissent la voie professionnelle, ce sont pour de bonnes raisons : volonté de travailler dans un domaine précis, mais aussi souvent un problème de niveau scolaire. Des élèves parfois n’ayant parfois pas obtenu le brevet qui en seconde se retrouvent totalement perdus et sans soutien.
C’est une situation d’autant plus dure que dans le même temps la réforme du bac engendre de nouvelles difficultés.
Un professeur de math témoigne : « je dois à la fois adapter mon cours à des élèves avec qui il faut reprendre des bases et d’autre part préparer d’autres à la difficulté de la spé math ». Dans les équipes pédagogiques, on parle d’une situation qui se rapproche de la maltraitance, tant pour les élèves que pour leurs professeurs.
Alors que l’école devrait permettre à tous d’avoir le niveau d’obtenir les différents certificats qui attestent de la fin d’une période, la voie pro a souvent été une voie de garage : « pas le niveau, on le met en pro ». Même cette adaptation qui relevait déjà d’une faillite éducative n’est plus possible, faute de places.
Un risque pour les élèves
Pour les élèves surtout c’est la double peine : l’État a failli à sa mission de service public en ne leur permettant pas d’accéder aux études de leurs choix, mais en plus aucune adaptation n’est proposée pour remédier à leur situation.
Le résultat est que certains élèves décrochent, d’autres sont turbulents, et ce sont eux qui sont pénalisés.
Une jeune CPE témoigne : « j’ai reçu un élève exclu de cours hier, il ne comprend pas donc il s’agace, il aimerait être en stage pour pouvoir bouger, se sentir utile, il dit avoir abandonné. On suit le dossier, mais on sent qu’il va décrocher ou aller en conseil de discipline… ».
Les classes de bac pro sont aussi moins surchargées, ce qui permet un meilleur suivi des élèves, qui souvent sont ceux qui en ont le plus besoin. Car à 35 par classe en seconde générale, le suivi personnalisé semble impossible, même chose du côté des PsyEN qui sont débordés.
Résultat : les élèves doivent rester en lycée général et technologique et, arrivés en 1re, c’est cette fois la voie technologique qui est bouchée…
La réforme des bacs pros en cours ne répond en rien à la problématique, au contraire elle prévoit une diminution du nombre de professeurs en voie pro alors qu’ils ne sont déjà pas assez nombreux.