Emmanuel Macron promettait lors de la campagne présidentielle de « mieux vivre de son travail ». Cependant, il précisait « sans que cela ne revienne plus cher aux employeurs ». Qu’est-ce que mieux vivre de son travail, si ce n’est avoir une augmentation de salaire ?
Cela passe par des subterfuges qui, loin de revaloriser le travail, accompagnent sa dévalorisation, voire l’aggravent.
Il y a pouvoir d’achat et pouvoir d’achat
La liste des outils des libéraux pour réaliser leur tour de magie est longue. Il y a par exemple des primes versées avec l’argent public, qui ne donnent aucun droit, aucune garantie au salarié.
Des baisses d’impôts et des exonérations de cotisations qui produisent des effets pervers : elles privent le budget de la nation et de la sécurité sociale de ressources et font peser la menace du déficit sur nos droits. Elles favorisent également le recours aux contrats temporaires et aux bas salaires, en les rendant de fait moins chers. Plus récemment elles encouragent les dérogations aux 35 heures hebdomadaires, en défiscalisant les heures supplémentaires et en monétisant les RTT.
L’idée qui sous-tend ces mesures est celle que la baisse du « coût du travail » — entendez par là les cotisations sociales et les salaires — aiderait la création d’emploi, ce qui est contredit par la pérennisation du chômage de masse malgré les politiques de libéralisation du marché du travail. Pour les libéraux, il est hors de question d’augmenter les salaires, alors que l’inflation diminue de fait la capacité d’achat attachée au salaire.
Pourtant, personne ne peut nier que la combinaison de l’inflation et de la stagnation des salaires conduit à ce qu’on puisse moins acheter avec son salaire. La force de travail est ainsi dévalorisée : il faut travailler plus pour subvenir aux mêmes besoins qu’auparavant avec son travail. Pendant ce temps, la part des salaires dans les richesses produites dans les entreprises diminue. On est donc bien loin de la revalorisation du travail promise…
D’autres mesures dites en faveur du pouvoir d’achat ne compensent même pas l’inflation comme des revalorisations des pensions ou des traitements à un taux inférieur à la hausse des prix. Le gouvernement a même pris acte d’une baisse relative de l’aide personnalisée au logement par rapport au loyer.
Vivre de son travail
Il y a deux observations à faire pour montrer que l’augmentation des salaires est la seule solution pour vivre de son travail.
Premièrement, le travail n’est pas à proprement parler un coût. Certes, l’employeur verse un salaire qui correspond aussi à des cotisations sociales, et encore heureux : sinon, pourquoi travailler ? Pour autant, la valeur des marchandises est bien déterminée par la quantité de travail qu’il est socialement nécessaire de dépenser pour les produire. Le travail conserve et crée de la valeur économique. Sinon, pourquoi est-ce qu’un patron emploierait des salariés ? L’achat de la force de travail et son exploitation permettent de dégager des profits, c’est tout l’intérêt pour le capitaliste de payer des salaires.
Ceci expliqué, il est clair que revaloriser le travail ne peut pas « ne rien coûter aux employeurs ». Les intérêts de classe des salariés et des capitalistes sont antagonistes. « Revaloriser le travail » passe nécessairement par réduire les profits.
Deuxièmement, on ne peut pas à la fois mener une politique de bas salaires et de dévalorisation du travail et prétendre sur tous les plateaux incarner la « valeur travail » ou promettre de « vivre de son travail ». Nombreux sont les salariés, en particulier des jeunes, qui ne vivent plus de leur travail et pour lesquels la prime d’activité ou l’aide au logement sont devenues indispensables pour survivre au quotidien.
En vérité, les politiques libérales nous poussent en pratique à compter autant sur les aides que sur le travail pour vivre. Là encore, c’est la « valeur du travail » qui se retrouve affaiblie.
La question du travail est centrale
Même à gauche, la question des salaires fait plus débat qu’on ne le croyait. Une partie de la NUPES semble accepter comme « conquête sociale » le fait qu’on vive de revenus de substitution et de compléments de salaire, au lieu de mener le combat pour se réapproprier le travail. C’est en tout cas ce que laissent penser les réactions de haine envers Fabien Roussel lorsqu’il dit que « la gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et minima sociaux et revenus de substitution ».
En effet, comment ne pas voir que les libéraux proposent de l’activité plutôt que de l’emploi, des primes et des aides plutôt que du salaire ?
C’est pourtant au cœur de l’affrontement de classe actuel.